La pandémie a déjà refaçonné notre monde et nos interactions de plusieurs façons. Le travail de la maison, auparavant plutôt marginal, est devenu courant. Participer à des appels vidéo avec les collègues est maintenant une seconde nature. Et porter un masque est devenu ordinaire.
Mais malgré l’importance des appels sur Zoom et l’explosion de l’industrie du masque, de haute couture, les effets les plus profonds et les plus durables de la pandémie de COVID-19 pourraient être dans le domaine de l’architecture et du design. Après tout, la menace imminente d’une épidémie a déjà apporté plusieurs changements de conception au sein des environnements artificiels en 2020. Cela comprend les indicateurs de trafic au sol, les séparateurs en plexiglas entre les cubicules, ainsi que de plus profonds changements tels qu’un accent mis sur les matériaux de construction antibactériens et l’élimination des zones d’attente traditionnelles dans certains hôpitaux ou entreprises.
Beaucoup d’experts de l’architecture et du design disent que ces changements, ainsi que d’autres encore, ne sont que le commencement. Toutefois, il convient également de noter que la pandémie de COVID-19 n’est pas le premier moment où une meilleure compréhension (et une peur) de la maladie a influencé l’architecture et ce ne sera probablement pas le dernier.
La maladie comme catalyseur d’un changement architectural
Selon Rami el Samahy, professeur assistant au MIT’s School of Architecture et architecte en chef de la firme OverUnder de Boston, plusieurs initiatives architecturales passées ont émergé précisément de cette impulsion. Cela inclut les rénovations de Paris par le baron Hausmann au XIXe siècle, qui a démoli les quartiers médiévaux surpeuplés pour favoriser les grands boulevards, les larges avenues et plus d’espaces ouverts. Londres a complètement reconfiguré son système d’égouts en réponse à l’épidémie de choléra des années 1850. Et dans une réponse similaire aux épidémies, le New York State Tenement House Act de 1901 oblige les nouveaux bâtiments à avoir des fenêtres sur l’extérieur et une ventilation efficace.
La menace de la tuberculose (TB) a aidé de la même manière à façonner l’architecture moderniste, avec son amour du verre, en partie à cause de l’effet d’éradication de la lumière du soleil sur la bactérie qui cause la tuberculose. L’accent mis par l’architecture moderne sur de grands espaces ouverts, des décors minimalistes, des murs et des sols dépouillés, et des installations en métal « peut être compris comme une conséquence de la peur de la maladie, un désir d’éradiquer les pièces sombres et les coins poussiéreux où les bactéries se cachent, » selon le New Yorker.
Et de la même manière que les anciens fléaux ont aidé à façonner les caractéristiques des styles architecturaux passés, la pandémie de COVID-19 – avec tout ce qu’elle entraine, incluant beaucoup plus de temps passé à la maison avec les membres de la famille et des espaces de bureau avec beaucoup moins de personnes dedans – a le même effet.
L’impact de la COVID-19 sur l’architecture et le design
Comme nous l’avons vu, la pandémie a affecté la conception des environnements artificiels presque du jour au lendemain quand les supermarchés ont érigé des barrières de plexiglas et les épiceries ont marqué au ruban adhésif des zones pour y faire la file. Bien sûr, pour les magasins, les bureaux, les restaurants et les autres espaces publics, la COVID-19 « n’est pas qu’une crise sanitaire – c’est aussi un problème de conception.” Les architectes et les designers ont déjà observé plusieurs réponses à ces problèmes de conception, cependant, y compris:
1) Plus d’automatisation (et moins de surfaces fréquemment touchées): De nombreux architectes et designers prédisent une dépendance accrue aux produits automatisés et moins de surfaces partagées, incluant des technologies sans contact tel que les portes et ascenseurs activés par la voix, l’entrée dans les chambres d’hôtel à partir de téléphones mobiles ou le contrôle des stores et louvres de fenêtre ou de porte à partir d’applications mobiles ou autres contrôles à distance. À un niveau moins technologique, l’élimination déjà commencée des portes de toilettes publiques dans beaucoup de bâtiments va très probablement s’accélérer.
2) La conception du milieu soin de santé devient la conception de tous les jours: Alors que les architectes et designers créent des espaces avec la COVID-19 en tête, certains éléments de conception plus ordinaires dans les applications de soin de santé joueront probablement un rôle plus important dans nos structures construites de tous les jours. Cela inclut des stations de désinfection des mains intégrées, une ventilation et un éclairage naturel amélioré, une réduction des espaces plats sur lesquels les germes peuvent se déposer et l’utilisation de matériaux de construction qui améliorent l’hygiène, comme des composés antibactériens et des produits faciles à nettoyer.
3) Repenser les espaces domestiques: Avoir tout le monde qui travaille de la maison n’est pas formidable si votre logement est tellement bruyant que vous ne pouvez pas vous concentrer, c’est pourquoi les espaces domestiques ont été repensés avec un accent mis sur le contrôle de la vision et du bruit. « Le loft, la typologie new-yorkaise, semble ne pas être la chose la plus romantique à l’heure actuelle »,” note l’architecte néerlandais Florian Indenburg. « Tout le monde est sur des appels Zoom. » De la même manière, l’utilisation de murs ou de séparateurs de pièces sur roues est à la mode alors que les gens sont chez eux tous les jours, 24 h sur 24 et se lassent de l’agencement de leur espace.
4) Une augmentation de la construction modulaire et de l’architecture légère: Le besoin de concevoir et construire rapidement a été mis en relief dans les premiers jours de la pandémie, surtout dans le milieu des soins de santé quand certains hôpitaux ont converti des entreprises privées ou des espaces publics en hôpitaux de campagne improvisés. Cela a donné lieu à une forte demande dans les matériaux de construction modulaires et préfabriqués, et des solutions conçues en ayant une réponse à la crise à l’esprit.
5) La réappropriation d’espaces publics: Manger à l’extérieur dans des espaces publics variés de New York, autrefois temporaire, est devenu quelque chose de permanent – et ce n’est qu’une infime partie de la transformation des espaces publics à la suite de la pandémie. Avoir plus de personnes à la maison, avec moins d’options de restauration et de divertissement, signifie que les espaces publics ont pris une nouvelle importance et verront des investissements plus lourds et plus d’importance placée sur eux par les villes (ce qui est déjà arrivé dans certaines juridictions).
Une réduction à long terme de la demande d’espaces de bureaux est presque certaine, alors que les organisations se dirigent soit sur un fonctionnement à distance, soit s’appuient plus sur des modèles hybrides incluant des équipes à distance combinées à de moins d’espaces de bureaux. Certaines entreprises de location commerciale ont également offert des solutions incluant le bureau de 6 pieds de la succursale des Pays-Bas de Cushman & Wakefield. Ce concept réside sur plusieurs principes, généraux, incluant:
- Une analyse à la fois rapide et approfondie de l’espace actuel d’une organisation en ce qui concerne la sécurité sanitaire, avec des améliorations faites là où elles s’avèrent nécessaires
- Un ensemble de règles de réduction du risque viral qui priorisent la sécurité pour toutes les personnes utilisant le bureau
- Des marqueurs visuels d’itinéraires permanents et des séparateurs transparents pour le trafic dans le bureau afin d’assurer la sécurité
Certains designers se sont inspirés de conceptions destinées à faciliter la vie de personnes sourdes ou autistes, telles que les espaces plus flexibles et souples qui peuvent accueillir toute une gamme d’activités, avec des perspectives améliorées et l’élimination de coins aveugles (pour empêcher que les personnes ne se retrouvent accidentellement en contact rapproché).
Selon Hansel Bauman de chez MIXdesign, cofondateur de Gallaudet University’s DeafSpace, “dans le monde de la COVID, quand l’on se cogne contre quelqu’un qui surgit du coin et qui ne porte pas de masque, soudainement, il y a maintenant un potentiel d’infection”